aux Délices 9 may [1758]
Vraiment mon cher philosophe, il vous est venu là une très bonne idée.
Vous pouvez donner aisément une cinquantaine d'articles d'histoire naturelle et surtout l'article tremblement de terre vous est dévolu de droit. Je vais sur le champ écrire aux enciclopédistes et leur donner part du service que vous voulez bien leur rendre. J'insisterai pour qu'on vous envoye les exemplaires déjà imprimez.
J'ay été fort malade à Lausane. Les Délices réparent un peu le mal que Lausane m'a fait. Je ne sçais si Mr de Freydenrick ne viendra pas cette année dans nos cantons. Je me flatte qu'en ce cas vous serez du voiage, et que j'aurai l'honneur de recevoir dans mon petit hermitage les personnes à qui je suis le plus attaché. Vous verrez mes petites Délices un peu plus ajustées qu'elles n'étaient. Je cultive aussi l'histoire naturelle, mais c'est en plantant des arbres, en faisant des terrasses, des allées, des potagers. Je fais plus de cas d'une bonne pêche que de touttes les coquilles du monde.
J'ay reçu votre gazette italienne des fantaisies qui passent par la tête de nous autres écrivains en Europe. On écrit tant que je suis honteux d'écrire, mais cela amuse. Quand faudra t'il envoyer le payement de ce journal? et à qui?
Je ne sçais dieu mercy aucune nouvelle; il me semble qu'il y a plus de quinze jours qu'on n'a massacré personne. C'est une époque singulière.
Mille respects, je vous prie à mr et à me de Freydenrick.
Nous avons une assez bonne comédie aux portes de Geneve. Cette ville n'a point encor de téâtre comme Amsterdam, mais quand il y aura quelques milions de plus dans la ville, il faudra bien alors avoir du plaisir.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
V.