aux Délices 11 novbre[1758]
Je n'ay point connu de comte de Manstein, mon cher philosophe, àmoins que le roy de Prusse ne l'ait fait comte pour le consoler d'avoir été massacré par des pandours; c'était un Pomeranien, devenu Russe, qui avait pris le comte de Munik à brassecorps, l'avait colleté, secoué, et mis di sotto, puis le garotta et l'envoya dans une charette en Siberie.
En suitte ayant peutêtre quelque peur d'y aller à son tour, il quitta le service d'Elisabeth pour Federic. Il se mit à faire des mémoires. J'en mis une partie en français, mais il y a encor quelques fautes. Je n'eus pas le temps de tout corriger. Je crois que les Crammer donneront volontiers à la veuve vingt cinq louis d'or, mais je n'ay pu réussir à en faire donner d'avantage.
Je crois la veuve mal à son aise, et le roy son nouvau maitre poura bien être hors d'état de faire des pensions aux veuves.
Je ne lirai pas plus mon cher ami Les libelles du mercure germanique que ceux de Neuchatel. Touttes ces pauvretés tombent dans un éternel oubli après avoir vécu un jour.
Il est toujours question de tremblements. Celuy de Siracuse n'a pas été si considérable qu'on le disait. Il y en a eu un au Havre de grace, qui a renversé des maisons. Je n'ay pas sur ces phénomènes des notions bien détaillées. Je sçais seulement que la terre tremble depuis deux ans, et que les hommes ensanglantent sa surfacec depuis longtems.
Je plante en paix des jardins, et quand j'aurai planté, je reviendrai à Lausane, où je voudrais bien vous tenir. Je vous prie, mon cher [ . . .] raisonable, d'assurer mr et me de Freudenriek de mes respects.