1756-04-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

Je n'ai point voulu, mon cher et vertueux philosophe, vous détourner par mes lettres profanes de vos occupations du temps de Pâques.
Il faut à présent que je vous fasse part de la rélation des tremblements de terre qui ont détruit la ville de Quito.

Les tremblements commencèrent le 26 avril 1755 depuis 8 heures du matin jusqu'à midi. Le 27 ils se firent sentir à 5 heures du soir. Le même jour 27 entre 11 heures et minuit la terre trembla à trois différentes reprises pendant 5 minutes. Tout le monde abandonna sa maison, et on éprouva cette nuit quatorze secousses violentes: les habitants se réfugièrent à la campagne. Le 28 toutes les maisons furent renversées. Les secousses redoublèrent le 29, le 30 avril et le 1er may, et furent accompagnées d'une tempête et d'une pluye si prodigieuse qu'elle couvrit toutes les ruines. Les tremblements depuis ce temps-là ont continué presque sans interruption jusqu'au 30 juin, jour du départ de la lettre que j'ai reçue.

Peut-être, Monsieur, ferez-vous quelque usage de ces terribles phénomènes dans le livre que vous donnez au public. Vous voyez bien que l'auteur de la Dissertation que j'ai eu l'honneur de vous envoyer, s'est un peu trop pressé de placer le premier foyer des tremblements aux Isles Açores. Au reste avouons franchement qu'il y a du mal sur terre et sous terre. Mon chétif corps ne va pas mieux que celui de globe. Ma nièce et moi nous sommes malades depuis huit jours. Nous viendrons à Berne dès que nous pourrons disposer de notre misérable machine et de nos chevaux. Nous présentons nos obéissances et nos tendres remerciments à mr le Ba[…] de Freudenreich.

Adieu, mon cher monsieur, je vous embrasse bien tendrement,

l'éternel malade Ve