1758-03-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange êtes vous couché sur le testament de Monsieur le cardinal de Tencin?
a t'il laissé quelque chose à son Goussaut? Viendrez vous à Lyon discuter la succession? Ce serait là une belle occasion pour madame Dargental de venir consulter Tronchin. Nous ferions un feu de joye aux Délices, non pas pour la mort de l'oncle mais pour le joyeux avénement du neveu. J'ay perdu dans cet oncle un homme qui depuis trois mois s'était lié avec moy de la manière la plus intime et la plus extraordinaire. Mais il n'y a pas moyen de vous dire comment.

Il suffit que tout le monde nous redemande Fanime et que nous la rejouons encor demain. Il viendra bientôt un génevois très aimable qui vous en dira des nouvelles. J'apprends qu'Astarbé n'a pas été si bien acceuilli qu'Iphigenie. Comment voulez vous aussi qu'on réussisse quand on s'appelle mr Coquardau?

Je persiste mon cher ange à conseiller aux enciclopédistes de s'unir comme des frères et d'être opiniâtres comme des prêtres, de déclarer qu'ils abandonnent tout, et de forcer le public à se mettre à leurs pieds.

Avez vous vu le vainqueur de Mahom qui ne devait pas aller sur le Vezer? est il encore fâché contre moy de ce que madame Denis étant très malade des suittes de cette ancienne cuisse, je ne l'ay pas abandonnée pour aller à Strasbourg dans l'antichambre de M. le maréchal qui en passant le nez haut, au milieu de deux hayes d'officiers m'aurait demandé s'il y a une bonne trouppe dans la ville? Ce serait pour vous mon cher ange que je ferais cent lieues.

V.