à Lausane 9 février [1758]
Avez vous, lisez vous l'enciclopédie mon cher ange?
Savez vous les tracasseries, les tribulations qu'elle essuie? J'ay retiré mes enjeux, et j'ay mandé à M. Diderot de me renvoyer les articles et les papiers concernant cet ouvrage, et j'ay pris la liberté de stipuler qu'il enverrait chez vous les papiers cachetez. Vous me le permettrez sans doute. Ce n'est plus la peine de travailler pour une entreprise qui va cesser d'être utile, et qui est traversée de tous côtez. Si Diderot qui est entouré de sacs comme Perrin Dandin, et qui est accablé du fardau oubliait mes paperasses j'ose vous supplier de vouloir bien envoyer chez luy rue Taranne quand vous serez à la comédie. Nous allons nous autres suisses jouer Fanime et la femme qui a raison. Je pense qu'il faut différer longtemps pr le tripot de Paris, et laisser dégorger Iphigenie en Crimée. Par ma foy vous autres parisiens vous n'avez pas le sens comun. Luc n'en a pas davantage d'avoir commencé cette horrible guerre, qui luy a donné à la vérité de la gloire, mais qui le rend très malheureux luy et onze ou douze cent mille hommes ses semblables, s'il y a quelque chose de semblable à Luc. Je ne vois que folie, et bêtise. Interim vale. Heureux qui digère tranquilement. Comment va la santé de madame d'Argental?
V.