1758-02-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Tronchin.

Mon cher monsieur, quoy que nous ne soyons pas àprésent sur le même émisphère, il faut cependant que je songe à notre maison des Délices qui est à l'autre bout de notre grand océan.
Vous vous intéressez à cette maison. J'aprends que le grenier est plus rempli de neiges que je n'aurai jamais de vin dans ma cave. Il s'agit d'un des travaux d'Hercule. C'est pis que de netoyer les étables d'Augias. Monsieur Mallet sait par où l'on monte à ce grenier funeste. J'envoye les clefs de la maison à mr Cathala par le courier, et je charge mes gens de déballer la neige. On dit qu'il faut que les gens de mr Mallet ayent la bonté de montrer une certaine trappe par la quelle on entre sous les tuiles dans ce magazin de glace. Maître Mathey de son côté est instruit je crois de cette cache. Enfin il s'agit de préserver vos toits d'une ruine certaine. J'ay recours à vos bontez. Vous sentez combien j'aime une maison dans la quelle j'ay quelquefois le bonheur de vous voir. Madame Denis se joint à moy, nous présentons nos obéissances à toutte la tribu que nous aimons de tout notre cœur.

V.