1757-11-17, de Nicolas Charles Joseph Trublet à Laurent Angliviel de La Beaumelle.

J'ai reçu votre lettre du 4 de ce mois.
Je crois vous faire plaisir de joindre ici celle de Voltaire. C'est la copie même que je tiens de m. de Maupertuis.

Vous avez grande raison de n'avoir pas cru que je m'étais lié avec Voltaire. La preuve du contraire est plus d'une fois dans mes Fontenelliana. Voici néanmoins apparemment le fondement de ce qu'on vous a écrit de cette prétendu liaison. Lorsque m. de Caux voulut faire imprimer la Pucelle de Chapelain réformée et la Henriade traduite en vers latins, il me demanda pour censeur. M. de Malesherbes y consentit, et m'ayant demandé si je connaissais Voltaire, il me dit de lui faire part du projet de m. de Caux pour voir ce qu'il me répondrait. Je le fis; Voltaire me répondit; sa lettre était fort polie et je l'ai montrée à quelques personnes. Voilà, je le répète sans doute, l'origine de ce qu'on vous a mandé.

Vous trouvez impossible qu'il fasse l'histoire du czar, et il est vrai qu'il y trouve une difficulté entre plusieurs autres, et c'est la crainte de ne pas contenter la cour de Pétersbourg en écrivant cette histoire avec une entière sincérité, comme il voudrait l'écrire. Il connaît un manuscrit d'anecdotes sur le czar qui ne lui serait pas entièrement honorable, et dont il voudrait néanmoins faire usage. Il est entre les mains du roi Stanislas et de la reine. D'ailleurs Voltaire, en déplaisant à Pétersbourg, pourrait déplaire à Versailles….