1757-10-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Palissot de Montenoy.

La mort de ce pauvre petit Patu me touche bien sensiblemt monsieur.
Son goust pour les arts et la candeur de ses mœurs me l'avait rendu cher. Je ne vois point mourir de jeune homme sans accuser la nature. Mais jeunes ou vieux nous n'avons presque qu'un moment, et ce moment si court à quoy est il employé. J'ay perdu le temps de mon existence à composer un énorme fatras dont la moitié n'aurait dû jamais voir le jour. Si dans l'autre moitié il y a quelque chose qui vous amuse, c'est au moins une consolation pour moy. Mais croyez moy tout cela est bien vain, bien inutile pour le bonheur. Ma santé n'est pas trop bonne. Vous vous en appercevrez à la tristesse de mes réflexions; cependant je m'occupe avec madame Denis à embellir mes retraittes auprès de Geneve et de Lausane. Si jamais vous faittes un nouveau voiage vers le Rone vous savez que sa source est sous mes fenêtres. Je serais charmé de vous voir encore, et de philosopher avec vous. Conservez votre souvenir au suisse

V.