1757-08-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

Mon héros, c'est en tremblant que je vous écris.
Je n'aurais pas été peutêtre importun à Strasbourg, mes lettres peuvent l'être quand vous ètes à la tête de votre armée. Je vous jure que sans la maladie de ma nièce j'aurais assurément fait le voiage. Je voudrais vous suivre à Magdebourg car je m'imagine que vous l'assiégerez. Il y a plus de quatre mois que j'eus l'honneur de vous mander qu'on en viendrait là. Je ne prévoiais pas alors que ce serait vous qui vous mesureriez contre le roy de Prusse, mais vous savez avec quelle ardeur je le souhaittais. Vous irez peutêtre à Berlin, et Dargens viendra au devant de vous. Sérieusement vous voilà chargé d'une opération aussi brillante qu'en ait jamais faitte le maréchal de Villars. Je vous connais, vous ne traitterez pas mollement cette affaire là, et soit que vous ayez en tête le duc de Cumberland, soit que vous vous adressiez au Roy de Prusse, il est certain que vous agirez avec la plus grande vigueur. Je ne sçais pas ce que c'est que la dernière victoire remportée sur le duc de Cumberland, j'ignore si c'est une grande bataille, si les ennemis avaient assez de force, si les anglais viennent ajouter quinze mille hommes aux hanovriens, mais ce que je sçais c'est que vous êtes dans la nécessité de faire quelque chose d'éclatant et que vous le ferez.

Permettez que je vous parle du commissaire du roy pour les domaines des pays conquis, c'est un monsieur de la Porte qui sera sans doute chargé plus d'une fois de vos ordres. J'espère que vous en serez très content. Vous le trouverez très empressé à vous obéir.

Je fais dans ma retraitte mille vœux pour vos succez, pour votre gloire, pour votre retour triomphant.

Favori de Venus, de Minerve et de Mars, soyez aussi heureux que le souhaite votre ancien courtisan le Suisse V .. et sa nièce.