A la Haye, au palais du roi de Prusse, 5 juillet 1743
Dans ce fracas de dispositions pour tant d'armées, permettez, monseigneur, que je vous remercie tendrement de la grâce accordée à madame du Châtelet, et de la manière.
Vous savez mieux que moi les desseins des Anglais, et l'effet qu'a fait ici l'idée où l'on est (suivant le billet de m. le duc d'Aremberg) d'avoir remporté une victoire complète. Tout ceci vous prépare beaucoup d'ennemis et peu d'alliés.
Les petits contretemps que j'ai essuyés en France ne diminuent rien assurément de mon zèle pour le roi et pour ma patrie. Je ne vous cacherai point que s. m. le roi de Prusse vient de m'écrire de Magdebourg où il faisait des revues, qu'il me donne rendez-vous, au commencement d'août à Aix-la-Chapelle. Il veut absolument m'emmener de là à Berlin, et il me parle avec la plus vive indignation des persécutions que j'ai essuyées. Ces persécutions viennent d'un seul hommeà qui vous avez déjà eu la bonté de parler. Il prend assurément un bien mauvais parti, et il fait plus de mal qu'il ne pense. Il devrait savoir que c'est un métier bien triste de faire des hypocrites. Vous devriez en vérité lui en parler fortement. Il ne sait pas à quel point il révolte les hommes: dites lui en un petit mot, je vous en supplie, quand vous le verrez.
Voulez vous avoir la bonté de vous souvenir de Marchand quand il s'agira des invalides? Je pourrais avoir un peu mieux en Prusse. Mais rien n'égale le bonheur de vous être attaché, et de vivre avec des amis qui vous aiment. C'est la seule chose où j'aspire.
Je suis le plus ancien et le plus tendrement dévoué de vos courtisans; conservez moi vos bontés, mon cœur les mérite.
Volt.