à Monrion près de Lausanne, 28 janvier [1757]
J'ai reçu, monseigneur, une lettre à un évêque qui vaut beaucoup mieux que le bref du pape.
Elle est digne à la fois du premier pair de France et d'un philosophe. Il y a des pairs parmi les évêques; mais de philosophe, il y en a bien peu. Le plus détestable fanatisme élève hardiment la tête tandis que la raison demeure à Uzes et dans quelques petits cantons. Les sages gémissent et les insensés agissent. Il y a un certain grand arbre qui ne porte que des fruits d'amertume et de mort. Il couvre encore de ses branches pourries une partie de l'Europe. Les pays où l'on a coupé ses rameaux empoisonnés sont les moins malheureux. Je vous remercie du fond de mon cœur, monseigneur, de l'antidote excellent que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Qu'on parcoure l'histoire des assassins chrétiens, et elle est bien longue, on verra qu'ils ont eu tous la bible dans leur poche avec leur poignard, et jamais Cicéron, Platon ni Virgile.
Plus j'entrevois ce qui se passe dans ce vilain monde, plus j'aime mes retraites allobroges et helvétiques.
Conservez vos bontés monseigneur au Suisse V. qui vous est attaché avec la plus sincère estime et le plus profond respect.