Aux Délices. 3 Septembre [1756]
Mon cher philosophe, les Délices sont devenues un petit hôpital.
J'ai une nièce très malade, ce n'est pas mme Denis. C'est une autre bonne parente, qui a fait le voyage de Paris à Genève pour son pauvre oncle le malingre. Je n'ai pas eu un jour de santé depuis que je vous ai vu; il est vrai que malgré mes souffrances je me suis amusé à esquisser un essai de l'histoire générale jusqu'à nos jours. J'ai trouvé que les malheurs du prince Edouard, le voyage de l'amiral Anson autour du globe, la révolution de Gênes, la prise de Madras et la cruelle récompense donnée à La Bourdonnaye en le mettant trois ans à la Bastille, j'ai trouvé, dis je, que tout cela pouvait fournir quelques réflexions philosophiques. Je n'écris l'histoire qu'autant qu'elle peut être utile à la raison et aux mœurs, et je néglige tous les faits qui ne sont bons que dans les gazettes.
Il me semble que j'avais eu l'honneur de voir cette jeune madame de Freidenrik que la mort vient d'enlever. Je suis sensiblement touché de tout ce qui regarde ceux qui portent ce nom. Je vais écrire à monsieur le banneret. Madame Denis vous fait mille compliments.
Comptez, mon cher monsieur, sur la tendre et inviolable amitié de
V.