aux Délices 16 juillet [1756]
Mon héros, et celui de la France,
En vertu du petit billet dont vous daignâtes m'honorer après votre bel assaut, j'eus l'honneur de vous dire tout ce que j'en pense et de vous écrire à Compiegne.
Vous allez être assassiné de poemes et d'odes. Un jésuitte de Macon, un abbé de Dijon, un bel esprit de Toulouse m'en ont déjà envoyé. Je suis le bureau d'adresse de vos triomphes. On s'adresse à moy comme au vieux secrétaire de votre gloire.
Ce qui me fait le plus de plaisir c'est une histoire de la révolution de Genes très sagement écritte, et très exacte qui paraît depuis peu en italien. On m'en a aporté la traduction en français. On vous y rend toutte la justice qui vous est due. Je vais incessamment la faire imprimer. J'avoue qu'il y a un peu d'amour propre à moy de voir que l'Europe vous regarde des mêmes yeux que je vous ay vu depuis plus de vingt ans. Mais en vérité il y a cent fois plus d'attachement que de vanité dans mon fait.
On dit que Monsieur le duc de Fronsac était fait comme un homme qui vient d'un assaut, quand il a porté la nouvelle. Il était avec les grâces qu'il tient de vous, orné de touttes celles d'un brûleur de maisons. Il tient cela de vous encore. Demandez à votre écuier si vous n'aviez pas votre chapeau en clabaud, et si vous n'étiez pas noir comme un diable, et poudreux comme un courier à la bataille de Fontenoy.
Je vous importune, pardonnez au bavard.
V.