aux Délices près de Genêve 8 may 1756
Votre lettre du 27 avril, mon ancien ami, a croisé la mienne.
Je ne sais si Lambert a imprimé les sermons en question; mais j'ai toujours sur les remarques les mêmes scrupules. J'en ai aussi beaucoup sur les deux vers qu'on a substitué. Les chers Electeurs est le mot propre; c'est le terme dont se servent toujours les Empereurs en leur écrivant; et on est trop heureux quand le mot propre devient une plaisanterie. Avec ses Electeurs est d'une plattitude extrême. Le Père Berruyer peut trouver fort bon qu'on le brûle, mais je vous demande en grâce qu'on ne me mutile point.
Je sais bien que de la grâce ardent à se toucher, est une expression un peu hardie, mais elle est plus supportable que le vers qu'on a mis à la place, par la raison que mon vers dit quelque chose, et que l'autre ne dit rien. Je vous prie d'avoir égard à toutes mes requêtes, si vous faites imprimer ma rapsodie. Je voudrais bien voir les Pensées du citoyen de Monmartre; vous étes à portée de me les envoyer; Je ne sais point encor quand les Cramer mettront en vente leur édition. Je vais passer quelques jours à mon hermitage au bord du lac: je vais de retraite en retraite. Vous qui étes dans le fracas de Paris, au milieu de ce qu'il y a de bon et de mauvais, vous devriez bien me mander ce que vous croirez digne de l'être.
Bonsoir mon cher ami, portez vous mieux que moy. Je serais trop heureux si j'avais de la santé.
V.