[c. 22 April 1756]
J'ai re[çu] vos deux sermons; qu'ils sont beaux mon révérend père! Ah que j'aurois de goût pour le pain de la parole si ceux qui le distribuent sçavoient le paitrir comme vous: vous faittes ressuscitter en moi des germes de sentimens qui languissoient.
Vous remontez les ressorts de mon âme et je m'apperçois que si vous vouliez vous pourriez bien faire mon esprit, comme il me souvient que vous faisiez vôtre corps: quoi que vous n'aiez jamais tort avec moi j'oserai cependant vous dire, que le tout est bien, n'est pas mal. Il seroit asséz gentil que cette leçon fit des progréz, les conséquences en sont admirables; mais vous voulez faire vôtre paix et vous sacrifiez une asséz bonne citadelle dont le parti peut se passer: Votre loi naturelle est divine. Si les législateurs hébreux et autres parloient ainsi, quel charme de les écoutter! Je ne vous en dirai pas davantage mon Révérend père, crainte de vous mal loüer. Il faudroit sçavoir parler comme vous, pour s'en acquitter dignement. Adieu, prêchez de tems en tems, et n'attendez pas la fin du Carême pour m'envoïer vos sermons, sans quoi je pourrai bien aller en Suisse pour les entendre.
Je ne sçais rien dire autre chose à Madame Denis sinon que je l'admire, et que j'ose l'aimer.