1756-03-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sébastien Dupont.

Mon cher ami, le séjour de Colmar n'a point été triste pour moi; j'y travaillais, je vous voyais, et je vous regrette.
J'ai passé l'hiver à Monrion avec notre ami Brenles. Nous aurions bien voulu que le temps des vacances eût été en hiver et que vous eussiez pu venir dans cet ermitage; celui où je suis à présent vous plairait davantage: j'ai trouvé en arrivant des fleurs épanouies dans mes parterres. Comptez que les environs du lac Léman ne sont point barbares, les habitants le sont encore moins. Il n'y a point de ville où il y ait plus de gens d'esprit et de philosophes qu'à Genève. Ma maison ne désemplit pas, et j'y suis libre. Je suis au désespoir que votre destinée vous fixe à Colmar; car probablement je n'y retournerai pas, et vous ne viendrez point à mes Délices. Il faut que vous souteniez la cause de la veuve, de l'orphelin et du juif d'Alsace. Courage, plaidez et aimez les deux Suisses qui vous aiment, et qui font mille compliments à madame Dupont; ne nous oubliez pas auprès de monsieur le premier et de madame, etc.

V.