1756-01-06, de Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes à Marc Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson.

Monsieur,

Sur les plaintes faites il y a quelques mois par m. de Voltaire au sujet d'une édition furtive qui se faisoit d'une partie de son histoire de la guerre de 1741 vous convintes avec m. le chancelier de faire enlever cette édition et de la faire conduire à la Bastille.
Votre motif fut de rendre justice à l'autheur dépouillé du fruit de son travail et d'empêcher le débit public d'un ouvrage écrit sur une matière trop délicate; m. le lieutenant de police et moy nous fûmes contens de la bonne foy avec la quelle se comportèrent les libraires propriétaires de cette édition.

Cependant il en paroît une autre aujourd'huy, et elle est même déjà entièrement distribuée dans le public. J'ay fait comparer ces deux éditions et elles sont absolument conformes l'une à l'autre.

Dans ces circonstances les libraires qui ont remis exactement celle qu'ils avoient faite, représentent qu'il seroit dur pour eux de faire une perte considérable sans qu'il en résulte aucun avantage puisque l'autre édition est généralement répandue.

Je vous avoueray que je trouve leur demande raisonnable et que je ne vois point d'inconvénien à ce que les exemplaires saisis leurs soient rendus.

Je suis avec respect.