1756-01-03, de Marie Louise Denis à Gabriel Cramer.

Toutes vos raisons sont très bonnes Monsieur et je désire autant que vous que mon oncle se détermine à faire paroitre son histoire des campagnes.
Mais que voulez vous que je fasse? Il n'a seulement pas apporté ici son manuscrit. Il est aux Délices. De plus il fait continuelement de petis chapitres des articles pour l'anciclopédie, des vers pour ce que vous savez, il n'y a rien dont il ne s'avise et lors que son génie est monté il n'est pas facile de lui faire travailler à autre chose qu'à ce qui lui plait.

Je fais de mon mieux pour le déterminer à faire un peti voiage aux Delices pour y prendre ses papiers. Je tremble de ne pas réussir par ce que le temps devient affreux. J'y ferai de mon mieux.

Nous sommes ici dans une maison qui est chaude comme une étuve. Nous aurons bien de la peine à l'en faire sortire. Il faudra que vous veniez nous voir affin de m'aider à le déterminer ou à envoier Colini aux Délices, ou à y aller lui même. Mmes Pictete, Mr de Gafecour et Mr votre frère doivent nous venir voir dans ce mois ci. Si vous pouvez en faire autant il faudrait vennir avant ou après eux affin d'avoir assez de lits. Mr Tronchain Boissier m'avoit promis d'y vennir aussi. S'il avoit toujours cette bonne volonté il faudrait tâcher de le déterminer à vennir avec vous. C'est un de ces hommes rare dont on est bien aise de jouir en petite compagnie. Entre nous deux je n'ai guère vu personne dont l'esprit soit plus agréable.

Adieu Monsieur, permettez moi de faire mille complimens à vos dames. La comédie ne bat que d'une aile, le temps s'avance et je crois que nous ne l'aurons pas. Mais vous trouverez toujours à Monrion deux personnes qui vous sont tendrement et inviolablement attachés.

Denis

Je vous envoie cette lettre que je vous prie de faire tennir à Mr Buisson car j'ignore son adresse.