aux Délices 5 mars 1755
Je réponds, Monsieur, par la main de Mr Colini à la lettre que vous lui avez écrite. J'espère revenir bientôt à Prangin vous marquer à vous et à toute votre famille ma tendre reconnaissance. Je suis heureusement arrivé en pantoufles au Délices: en vérité ce lieu là mérite son nom. Je souhaite toujours au château de Prangin le jardin que je possède. Je me flatte que quand vous irez à Nyon, vous voudrez bien présenter mes respects à Mr le Baillif. Il n'y avait pas moïen d'aller prendre congé de lui en pantoufles et avec un pied boiteux. Madlle Rose m'a apporté les souliers les plus larges de la province avec les quels je pourai faire des visites de cérémonie. Ne m'oubliez pas auprès de Mesdemoiselles Bouquet et de toute leur famille. J'ai écrit à notre cher Major. Adieu, Monsieur, je vous embrasse de tout mon cœur, et suis avec une amitié bien véritable votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire
Je pense que nous sommes fort fâchés d'avoir quité Prangein quoi que nous aimions passionément les Delices. Je pense que j'ai donné à Chavagneux219 de francs pour les boucher, que je l'ai chargé de vous remettre en vous priant Monsieur de vouloir me faire tennir un reçu du boucher. Je vous en serai bien obligée. Je pense que Mr du Coster nous a envoié 62 douzaines de rondains de la grosseur de mon pouce que j'aurais bien aimé plus gros. Je n'ai point paié le batelier par ce qu'il demendoit trois écus de Geneve et qu'on m'avoit dit que Mr du Coster avoit fait marché à trois écus de Suisse. Ainsi Monsieur je vous prie de lui dire de nous envoier le mémoire de ses petits rondains et de Seize fourgues, que nous avons reçus, mais ce dont nous vous prions avec bien plus d'insistance c'est de nous venir voir quand vos affaires vous appelleront à St Jean, ou à Geneve. Vous nous trouverez dans les ouvriers, mais nous serons toujours enchanté de vous renouveller les assurances de notre reconnaissance et de notre inviolable amitié.
Je vous Suplie de nous faire parvenir la Comode de Role dès qu'elle sera faite et de faire pour moi mille tendres complimens à Mr et Mme de Ribeaupierre.
Denis