à Monrion près de Lausanne 1er janvier 1755 [1756]
Si j'écrivais autant de lettres que les libraires m'imputent de livres, vous seriez souvent importuné des miennes, mais un pauvre malade solitaire ne peut guères écrire.
Je fais trève à tous mes maux pour vous souhaiter autant qu'à madame Gotsched une bonne année et touttes les prospéritez que vous méritez l'un et l'autre. Je commence cette année par vous demander hardiment une grâce, c'est de vouloir bien honorer d'une place dans votre journal ma lettre à l'académie française que j'ay l'honneur de vous envoier. Il est de l'intérest de la vérité et du mien que cette lettre soit connue. Faites la grâce entière: je vous supplie que par votre entremise les gazettes allemandes fassent mention du désaveu que vous trouverez joint à la lettre. Il est honteux que les libraires se mettent en possession d'imprimer ce qu'ils veulent sous le nom d'un homme vivant. Tous les gens de lettres y sont intéressez et à qui la gloire des lettres doit elle être plus chère qu'à vous qui en êtes l'ornement et le soutient?
Je vous aurai beaucoup d'obligation et j'ay l'honneur d'être avec tous les sentiments qui vous sont si justement dûs, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire