19 décemb. [1755] à Monrion
Mon cher ange je vous demande pardon de vous envoier des vers tragiques qui ne sont pas d'une tragédie, mais ils pouront exercer votre philosofie, et celle de votre société.
Je les crois aussi sages qu'il est possible, et de nature cependant à n'être qu'en vos mains. Mandez moy je vous prie votre sentiment et celui des anges.
Je ne sçai si vous avez reçu une lettre où je vous annonçais une tragédie pour vos menus plaisirs. L'auteur dit qu'il a une voye pour vous la faire tenir, mais je ne crois pas que vous en ayez une pour la faire jouer. Songez je vous prie qu'il faut que je termine Jeane, et la guerre de 1741, et l'histoire universelle, et mes œuvres qu'on imprime, et songez que je n'ay point de santé.
Donnez moy toujours vos ordres sous l'envelope de Mr Tronchin. Je passe mon quartier d'hiver à Monrion. J'y cherche la santé et la solitude, et je n'y trouve ny l'une ny l'autre. Il me faut cependant l'une et l'autre pour vous donner des tragédies, puisque vous les aimez.
Adieu mon divin ange.
V.