aux Delices près de Genêve 20 septbre 1755
Je reçois, mon cher Lambert, votre lettre du 12: je vous ai déjà mandé que plusieurs raisons me forçaient de faire imprimer l'Orphelin de la Chine, tout faible qu'est cet ouvrage, et tout mécontent que j'en suis.
Ma lettre à Mr Jean Jacques Rousseau court Paris en manuscrit aussi bien que sa réponse: il trouve bon qu'on les imprime toutes les deux. Vous trouverez sans doute sa lettre dans Paris, et vous pourez l'imprimer avec la mienne.
Vous avez dû recevoir quelques légères corrections à la Tragédie; en voici une nouvelle que je vous prie de faire si cela se peut; c'est à la page 78.
Mettez à la place de ces deux vers
Si la pièce est imprimée ce n'est pas la peine de faire ce changement.
Puisque vous vous obstinez à imprimer mes chétives œuvres, je vous enverrai toutes les corrections que j'y ai faites. Vous vous conformerai à L'édition des Cramers: il eût mieux valu pour eux et pour vous que vous vous fussiez entendus ensemble; mais vous partagerez le petit profit, s'il y en a, vous en France, et eux dans les pays étrangers.
Vous devriez bien dire au sr Prieur que je suis très fâché de la disgrâce qui lui est arrivée; il se l'est attirée par sa faute; il savait depuis plus de deux mois que l'histoire de la guerre de 1741 était de moi, et qu'elle avait été volée. S'il m'en avait envoyé un exemplaire, j'aurais pû laisser débiter cet ouvrage avec quelques cartons. Mais dans la juste crainte où j'étais qu'un ouvrage ainsi volé, et imprimé sans ma participation ne fût rempli de choses très-peu convenables, j'ai été forcé d'en demander la suppression.
Au reste il serait à souhaiter que les comédiens ne reprissent point l'Orphelin après Fontainebleau: ils devraient me laisser le temps de mettre la dernière main à cet ouvrage que j'ai fait jouer et imprimer trop vîte. Je vous embrasse de tout mon cœur.
V.
Monsieur de Voltaire me permet de vous remercier ici des politesses que vous m'avez faites à Paris. Je présente mes respects à made Lambert. J'aurai l'honneur de vous écrire par le premier Ordinaire
Colini