aux Délices près de Genêve 16 may 1755
Madame Denis et moi, Monsieur, nous vous renouvellons nos remerciments.
Tous vos envois ont été bien approuvés, excepté celui de la rhubarbe. Votre cousin le Docteur donne une préférence si marquée à la casse, qu'il n'y a pas moyen de parler de rhubarbe devant lui.
Nous n'avons pris la liberté de vous demander de l'huile et du sucre, que pour le temps où vous en ferez votre provision, et où vous croirez convenable de nous en faire parvenir.
Le velours d'Utrecht sera très-bien venu; mais nous ne cessons point d'aimer votre belle moquette, et sans oser la comparer au velours nous vous prions de vouloir bien nous en envoyer encor vingt-six aunes. Nous ne vous demandons plus pardon de toutes les peines que nous vous donnons; vous les prenez avec tant de bonté que nous croirions vous déplaire en ne nous adressant pas librement à vous.
Je crois que voici bientôt le temps où nous achèverons le payement de ces Délices qui nous donnent tant de tourments. Il ne me parait pas trop juste de payer les intérêts pendant le temps de la subhastation. Je ne suis sûr de la jouissance qu'après cette subhastation expirée; et l'on ne devrait, ce me semble, payer les intérêts que du jour où l'on doit délivrer la somme principale au propriétaire. Quoiqu'il en soit, Monsieur, je vous supplie de terminer cette affaire. Vous allez bientôt recevoir le montant du billet de Mr de Montmartel qui fera face à tout. Vous n'ignorez pas sans doute que j'ai donné dès le 10 février une lettre de change à Mr Labat de 9360 Risdalers sur Léipzig, payable en Louis d'or vieux de France à cinq Risdalers le Louis, ce qui doit monter à plus de 35 mille livres. Vous vous étes chargé outre cela de 20 mille livres pour mon compte par une lettre de change du 10 février tirée sur vous. Le reste sera aisé à acquitter; je souhaiterais que le compte de Mr Labat fût bientôt fait, et qu'il n'y eût point d'arrérages à payer.
Adieu Monsieur, madame Denis et moy nous vous renouvellons les plus sincères assurances de notre dévouement.
V. t. h. ob. serv.
Voltaire