aux Délices près de Genêve 16 avril 1755
Je partage votre douleur, Monsieur, après avoir partagé votre joïe; mais heureux ceux qui peuvent comme vous réparer leurs pertes au plus vîte: je ne serais pas dans le même cas: bien loin de faire d'autres individus, j'ai bien de la peine à conserver le mien qui est toujours dans un état déplorable.
En vérité je commence à craindre de n'avoir pas la force d'aller sitôt à Monrion.
Soyez bien sûr, Monsieur, que mes maux ne dérobent rien au tendre intérêt que je prends à tout ce qui vous touche. Je crois que Madame de Brenles et vous ontété bien affligés; mais vous avez deux grandes consolations, la philosophie et du tempérament. Pour moi je n'ai que la philosophie: il en faut assûrément pour supporter des souffrances continuelles qui me privent du bonheur de vous voir. Ma nièce s'intéresse à vous autant que moi; elle vous fait les plus sincères compliments aussi bien qu'à Madame de Brenles.
Nous apprenons que vous avez un nouveau Baillif; ce sera un nouvel ami que vous aurez.
Adieu, mon cher monsieur; je suis bien tendrement à vous pour jamais.
V.