Lyon 9 xbre 1754
Je lisais un jour, M., dans votre Neutonisme français (Page 81 Edon d'Amsterdam 1738) une réflexion bien judicieuse, nous ne sommes pas malheureux par la privation des biens dont nous n'avons pas d'idée.
Ne serait ce point aussi une vérité de sentiment qu'un Bonheur que nous Ignorons dès lors ne l'Est plus pour nous. L'une Et l'autre maxime, quoiqu'ayant des objets opposés, me paraissent découler de la même source. Il faut que le coeur humain connaisse le bien Et le malêtre pour qu'il en Eprouve les sensations. Vous êtes M., dans l'un de ces cas, heureux si vous l'Ignorez; vous seul pouviés former votre gloire, Et vous vous l'Etes fait Immortelle, mais moi qui comptes pour une vraïe satisfaction le plaisir de vous admirer, Je veux concourir à votre bonheur. J'ose même me flatter (quoique n'ayant pas l'honneur d'être connu de vous) que vous me saurés quelque gré de vous avoir Informé d'une anecdote qui vous intéresse.
Que viensje de faire M.? Estce à l'auteur de la Henriade Et d'une foule de chefd'oeuvres de Poësie que j'ose adresser d'aussi mauvais vers! J'en demande pardon à tout le Parnasse. Il faut que j'ai bien compté sur l'Indulgence avec laquelle vous voyés les Essais des jeunes Muses, mais Il me samblait aussi que ce que Je devais avoir L'honneur de vous raconter, demandait ce genre d'Ecrire. La poësie, dit on, Est un langage fait pour les Dieux, J'avais à parler d'Emilie, et à M. de Voltaire, qu'on me condamne àprésent si l'on ose; fautil tout vous dire M., Je suis Excité par la gloire de vous avoir écrit, Je vai même Jusques à me flatter que vous m'honorerés d'une réponse (car voilà bien comme nous sommes, nous autres jeunes gens, une réputation de bonté et de Politesse, nous Enhardit à tout espérer), rien n'Egalerait alors ma satisfaction comme rien n'égalera jamais l'admiration Et l'Estime Infinie avec lesquelles j'ai l'h. d'être Mr Vre &c.
Rt