à Colmar 13 Mars 1754
Madame,
Pardonnez à un pauvre malade languissant, s'il n'a pas l'honneur d'écrire de sa main à V. A. S.
J'ai bien peur, qu'elle même ne soit malade, et que les vents du nord et les neiges ne respectent pas la Thuringe. Dieu fait bien ce qu'il fait; mais j'oserais prendre la liberté de lui demander un peu plus de soleil. Je compte, Madame, mettre ces jours-ci aux pieds de V. A. S. le second tome de l'ouvrage, qui est sous vôtre protection. Je prens au paravant la liberté et je m'acquitte du devoir de lui envoïer et de lui soumettre ce dernier hommage par lequel je finis le livre.
Les libraires se hâtent déjà de réimprimer le premier volume. On en annonce trois éditions dans les gazettes. C'est vôtre nom, Madame, qui attire cet empressement du public: il est vrai que cet empressement fait un grand tort à mon libraire dont on contrefait l'édition: mais si l'ouvrage plait, s'il ne parait pas indigne de la Protectrice à laquelle il est dédié, je me consolerai bien aisément. L'état où je suis, Madame, ne me permet guères de lui écrire plus au long. J'aurai fini du moins ma carrière heureusement, puisque mon dernier ouvrage lui aura été consacré.
J'ay l'honneur d'être avec le plus profond respect et l'attachement le plus inviolable,
Madame,
De Vôtre Altesse Sérénissime,
Le très-humble et très-obéïssant serviteur,
Voltaire