1753-11-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Louis Defresnay.

J'ai vû, Monsieur, par vôtre lettre à Mr. Collini que vous me conservez toûjours les bontés prévenantes dont vous m'avez honoré à Strasbourg.
J'espère toûjours y venir témoigner à vous, Monsieur, à Madame vôtre mère, et à Madame de Leon ma vive reconnaissance de toutes les attentions dont j'ai été comblé. La rigueur de l'hiver et l'édition des Annales de l'empire que j'ai été obligé de diriger, m'ont retenu à Colmar et m'y retiendront encor quelque tems. Ce sera une grande consolation pour moi de revoir des amis aussi aimables que vous. Je profiterai, puisque vous voulez bien le permettre, de la bonté que vous avez de donner cours à mes lettres pour l'Allemagne. Mr. Collini vous fait comme moi les plus tendres compliments, les choses dont il vous a parlé sont une bagatelle pour laquelle vous ne devez prendre aucune peine. Vos attentions charmantes réparent tout. Je présente mes respects à Madame vôtre mère, et je me flatte que vous m'excuserez, si dans la langueur où me jettent mes maladies, je n'ai pas l'honneur de vous assurer de ma main avec quelle tendresse je suis, Monsieur, vôtre très humble et très obéïssant serviteur.

Voltaire

Quand les annales de L'empire seront finies je compte venir vous en présenter un exemplaire.

Vous commencez à vous faire un cabinet de curiosités; on m'a envoïé d'Amérique un pied de cerf dont l'espèce n'est pas plus grande que celle des petits chiens des Dames de ce païs-ci. Le haut de la jambe est enchâssé dans une garniture d'or vierge. Il y a aussi ce qu'on appelle la sonnette du serpent à sonnette; les cloches de vôtre cathédrale font un peu plus de bruit; je voudrais bien les entendre avec vous. Permettez que je vous prie de mettre ces babioles dans vôtre cabinet; il faut que la balle aille au joueur.

Voudrez-vous bien aussi avoir la bonté de donner cours à ce paquet? Je crois vous devoir quelques autres déboursés que vous m'avez fait la grâce d'avancer pour moi.