1761-11-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Par la vierge Marie monsieur notre relligion est plus chère que la vôtre.
J'ay lâché au sr Perrache un billet de 1200lt pour un christ de cinq pieds et demi. On croirait que cela m'a valu des bénédictions. Point du tout. Mille livres de caffé et d'épiceries que je faisais venir de Hollande, viennent d'être englouties dans votre lac protestant. Il faut se contenter de la vie éternelle, car pour cette vie passagère, elle est pleine d'anicroches. J'ay donc recours à vous en mes détresses. Comment ferez vous pour nous faire avoir une grosse balle de caffé? en avez vous en France? y a t'il encor quelque chose? comment s'y prendra t'on doresnavant pour avoir seulement un clou de girofle? Je renoncerais volontiers aux épiceries et à la morüe, mais il n'y a pas moyen de se passer du caffé que le docteur deffend. Ayez donc la charité de nous dépêcher une balle, pour réparer les sottises du lac de Geneve.

Nous vous embrassons tous, vous et monsieur Camp, pour qui mademoiselle Corneille a toujours du faible. Adieu monsieur, pardonnez à l'importun de Ferney qui devra à vos bontez huile, chocolat, caffé, outre un christ de 5 pieds et demi.

V. t. h.

V.