aux Délices 20 janv. [1762]
Votre mari monsieur va bientôt quitter votre ménage pour aller travailler avec les soixante et une personnes, en comptant le roy, par qui la France est administrée.
Ce sera donc vous seul que madame Denis et moy, nous accablerons désormais. Vous daignez vous charger de tous les chifons de made Denis. Vous êtes inépuisables dans vos bontez votre mari et vous. Il faut bien en passer par ce que vous ordonnez. Je n'écris point à Monsieur Tronchin. Je le crois un peu occupé, et je sçais respecter le poids des affaires qu'il doit avoir sur les bras, et l'immense quantité de lettres auxquelles il doit répondre. Si vous avez monsieur un moment de loisir, je vous dirai que j'ay reçu le grouppe de deux cent louis, et que vers le premier février j'attendrai les cent louis que je vous prie d'adresser à moy même, chez m. Cathala. Ce sera moy qui présenterai chaque mois cent louis à notre économe dépensière, et au mois de mars vous aurez la bonté de retenir la valeur des chifons que notre dépensière aura fait venir pour ses amusements, car nous sommes convenus que cent louis par mois avec le produit de nos terres suffiraient pour notre subsistance et pour nos plaisirs, et cet arrangement me paraît assez honnête.
Je ne comprends pas parmy les chifons, la balle de caffé et le tonnau d'huile, que mr Tronchin a bien voulu me promettre. Ce sont de bons effets et bien nécessaires. Nous sommes obligez d'acheter à présent le caffé à Geneve, et nous n'y en trouvons que de très mauvais. Cette malheureuse guerre dont je ne prévois pas la fin est un coup terrible porté au commerce.
J'embrasse tendrement et sans cérémonie le mari et la femme.
V.