1762-05-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Ami Camp.

J'ay prêté aujourduy neuf mille francs, mon cher correspondant à mr du Puis mon voisin, pour acheter une compagnie de dragons, et je lui ai donné une lettre de change sur vous pour le payement d'aoust, 1er octobre.

Je compte faire une autre affaire pour la valeur de douze mille livres. Je vous prierai de me dire quand vous pourez les payer sans vous déranger. Pouriez vous me les faire toucher en deux payements, le 1er de 8000lt et le second de quatre mille?

Je ne peux arréter le torrent de nos dépenses, mais on se ruinera si on veut; je prends le party de vous laisser cent cinquante mille livres dans votre caisse, dont je compte respecter le fonds. Je n'y toucherai pas.

Mr de la Leu fournira à madame Denis ses douze cent louis d'or par an. Elle a outre cette somme le revenu de Ferney, que je luy abandonne, celui des Délices qui est peu de chose, mais une quantité immense de provisions de toutte espèce. Ainsi elle peut tenir une assez grande maison si elle sait se régler.

Voici monsieur une lettre de change de 2230lt mais l'échéance n'est pas à courts jours. Pouriez vous à votre loisir avoir la bonté de me faire un petit compte par le quel je verrais ce que je pourais prendre sur vous, en comptant les 12000lt cy dessus, et les 9000lt du Puis, et en vous laissant une somme ronde de 150000ltà la quelle je ne toucherai certainement pas?

Je vous embrasse de tout mon cœur.

v. t. h. ob. str

Voltaire

Vous avez donné une Jeanne à l'abbé Pernetti. Regardez cela je vous prie, comme un présent.

Tiriot vient après les fêtes qu'on appelle la pentecôte. Je vous supplie d'avoir de la bonté pour luy, et de nous l'envoier aux Délices. Faittes luy je vous prie la galanterie de payer son voiage au cocher qui le conduira. Je vous aurai une véritable obligation de cette attention. Excusez touttes mes libertés.

Vraiment je vous supplie de vouloir bien compléter mon petit galon en l'allongeant de deux pieds, ou d'en ordoner un de trois. Cent fois pardon.