Potsdam, 13 [July 1753]
Enfin mon cher milord, je me crois sorti d'affaire avec le poète et sa nièce qui, comme vous le dites, pourrait bien être une aimable carogne aussi malicieuse que monsieur son oncle.
Ces gens ont joué des tours pendables à mon résident Freytag à Francfort-au-Main, et ce dernier rend grâces au ciel d'en être délivré. Le poète a demandé à la reine de Hongrie d'entrer à son service; celle là lui a fait répondre ingénieusement que Voltaire n'avait de place que sur le Parnasse, et comme il n'y en avait pas à Vienne, on ne pourrait l'y recevoir convenablement. Sur quoi, le poète s'est adressé au roi mon oncle, en lui demandant une pension de 800 livres sterling par an; c'était demander sa maîtresse à un héros de roman. Le roi d'Angleterre a fait une mine affreuse à cette proposition et a juré de ne jamais lire les vers d'un poète qui voulait ruiner l'Angleterre. On dit que sur cela Voltaire avait écrit en France pour y négocier son retour, mais que d'Argenson la guerre lui avait écrit qu'il ferait bien de ne pas remettre le pied dans le royaume. Quant à cette dernière circonstance, vous pouvez en être mieux informé que nous le sommes ici, et je vous la mande sous le nombre des on dit.
Adieu, mon cher milord; votre frère a eu une petite attaque d'asthme qui est presque passée. Je vous embrasse mille fois.
Federic