1753-06-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Venerable council of Frankfurt am Main.

A Leurs Excellences,

Je supplie le vénérable Magistrat de considérer que les deux Lettres du Roi de Prusse au sieur Freytag, en datte du mois d'avril et may, portent en termes exprès de ne m'arrêter, qu'en cas que je refuse de rendre ce que sa Majesté redemande; or j'ai tout rendu avec la plus grande soumission; et le 18 juin le sieur Freytag m'a écrit que le Roi était content de ma résignation et de ma fidélité.

Comment donc puis-je être arrêté le 20 juin? comment puis-je être traité ainsi, non sur un ordre du Roi, mais sur un ordre que le sieur Freytag dit qu'il recevra peut-être du Roi? Le sieur Freytag écrit le 21 juin qu'il aura cet ordre peut-être le 22; l'a-t-il reçu? non sans doute: nous sommes aujourdhui au 29. Je suis toujours gardé par des soldats dans une maison où je ne puis respirer.

Je déclare au Vénérable Magistrat, que ce traitement si dur préjudicie à ma santé, ainsi qu'à celle de ma nièce qui ne m'abandonnera pas.

Je supplie leurs Excellences de faire à sa Majesté Prussienne un prompt raport de tous les faits; et en attendant je les prie de me laisser prisonnier dans la ville sur mon serment, qui sera plus sûr que mes deux soldats: protestant d'ailleurs contre toutes les violences commises, et spécialement contre mon arrêt qui bien loin d'avoir été fait par ordre du Roi de Prusse, a été fait contre ses ordres.

Voltaire