1753-02-21, de Gottfried Adam Hochstetter à Charles Eugene von Württemberg, duke of Württemberg.

Monseigneur,

J'ai eu l'honneur de recevoir la lettre gracieuse, que Votre Altesse Sérme a daigné m'écrire du 8e de ce mois.
Je me suis rendu d'abord après sa réception chez Mr de Voltaire pour m'arranger avec lui. Je l'ai trouvé toujours disposé à fournir les 30/m écus, mais pas plûtôt qu'à la foire de Franckfort sur le Mayn, qui ne comence que le 24 d'avril, et où le paiement ne se fait ordinairement, que huit jours après.

Sachant les intentions de Votre Altesse Sérme, je lui ai représenté, qu'il m'avoit promis l'argent au 1 d'avril, qu'ainsi je comptois qu'il tiendroit parole. Il me répondit, qu'il n'avoit point d'argent plûtôt, et que cela ne se pouvoit pas.

Après avoir épuisé ma réthorique, et après avoir été trois fois chez lui, je l'ai poussé à la fin si loin, qu'il me donna néanmoins avec bien de la peine une lettre de change de 10/m écus, paiable le 15 de mars ici à Berlin, ce qui est 15 jours plûtôt, qu'il n'avoit promis. Il a fallu en échange me soumettre à prendre une autre de 20/m écus, paiable à la foire de Franckfourt sur le Mayn.

Je ne sais, si j'ai bien fait de l'accepter, mais Votre Altesse sérme m'aiant donné des ordres si précis, et voiant, qu'il s'obstinoit, je craignois, que tout le négoce en pourroit peutêtre manquer. J'ai cru donc suivre les ordres de Votre Altesse Sérme en prennant plûtôt plus tard, que rien du tout, d'autant plus, que j'aurai tous les soins pour que les 10/m écus lui parviennent sans faute avant le 1 d'avril. Je ferai l'arrangement nécessaire d'abord avec le Banquier là-dessus, de sorte qu'il aura assez de tems de fournir cette some vers la fin du mois de mars à Stouttgt, ce qui sera à peu près huit jours après l'échéance de la lettre de change.

Pour ce qui regarde le[s] 20/m écus, paiables à Frankfort, je ne manquerai pas non plus de les faire parvenir à Votre Altesse Sérme, dès qu'il sera humainement possible.

Si en tout cas Elle souhaitoit absolument avoir les 20/m écus plûtôt, on pourroit les négocier, mais il y auroit beaucoup de perte, d'autant plus, que cette lettre de change est d'un Juif, nation qui tâche ordinairement de profiter le plus, qu'elle peut.

Je ne sais à combien la perte pourroit monter. Les changes des espèces tombant et montant pour ainsi dire selon les intérêts des Banquiers d'une nuit à l'autre, oùtre que le plus où moins de tems qu'on prendroit d'avance, causeroit aussi plus où moins de fraix, à cause des intérêts qu'il en faudroit paier.

J'ai l'honneur de mander ceci très h ͞à Votre Altesse Sérme afin qu'elle puisse non seulement s'aider en cas de besoin, mais aussi pour lui montrer, que je ne néglige ni soins ni peines pour la servir autant que les forces et les facultés humaines permettent. Je la supplie du reste très respect ͞en cas qu'Elle souhaite, que je fasse un pareil négoce, de me faire savoir, à combien de perte pour cent je pourrois aller, pour que je sois en Etat de remplir en tout ses intentions.

Votre Altesse Sérme m'aiant ordonné gracieusemt de lui faire parvenir un Rescript pour le Conseil de Montb ͞touchant cette dernière affaire, j'ai l'honneur de le joindre tout expédié ici, de façon qu'Elle n'a qu'à le signer, faire cacheter, et envoyer à sa destination, si Elle le trouve concis, come Elle le souhaite.

Je suis d'ailleurs au comble de mes voeux, que Votre Altesse Sérme daigne être satisfait de tout ce que j'ai fait dans cette affaire. Tout honnête home fera consister son unique soin et étude à servir son maitre avec toute la fidélité imaginable, et de prévenir même s'il est possible, ses volontés s'il est possible. Je me suis fait de tout tems une loix de suivre ces traces dignes d'émulation. Tout ce que j'ai fait, et pourrois faire encore pour votre Altesse Sérme, n'est donc que mon devoir.

Je ne saurois du reste cacher, qu'il m'est infiniment doux et précieux, d'avoir la gracieuse approbation et l'assurance des bontés de Votre Altesse Sérme. J'en fais les délices de ma vie, et si Elle me trouvoit par mon application, par mon zèle, et par mon attachement respectueux, et par environs quinze ans de services dans les cours étrangers (de la fidélité et exactitudes des quelles il est à d'autres à rendre un témoignage non suspect), jamais digne et capable à quelque avancement, je suis convaincu de ses bontés, qu'Elle voudra bien se souvenir de moi, et être gracieusement persuadée, qu'il n'y a rien au monde égal à la vénération et à la soumission respectueuse, avec laquelle je me ferai à jamais gloire d'être,

Monseigneur,

de votre Altesse Serme.