1752-03-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

J'ai reçu votre paquet mon cher ami.
Vous pouvez être sûr que Mr. de Francheville fera toutes les choses que vous lui recommanderez. J'attends les trois cartons que vous m'avez promis. Vous aurez avant qu'il soit peu le grand ouvrage dont je vous ai parlé, mais en attendant je suis bien aise de vous dire que la tragédie de Catilina ou Rome sauvée vient d'avoir à Paris un des plus heureux succès que j'aie jamais eus au théâtre et qu'ainsi voici le tems d'imprimer séparément cette piéce, de la quelle vous pourrez tirer un profit assez honnête. Voiez si vous voulez y ajouter le Catilina de Mr. de Crébillon. Ces deux piéces de comparaison pourrait piquer la curiosité du public sur tout lors qu'elles seraient accompagnées de quelques remarques curieuses.

On pourra vous envoier le tout avec une préface historique et critique. Cela pourroit faire un petit volume qui serait de défaite.

Au reste vous pourriez tant pour l'emballage des ballots qu'on vous a fait tenir que pour la peine de ceux qui ont fait les remarques sur Catilina et autres menus frais et déboursés nécessaires, envoier la somme de 100 R. paiable sur quelque banquier de Berlin. Cela ne vous génerait pas beaucoup et paierait à peine les fraix d'autant plus que de 1500 écus auxquels vous vous étiez accordé pour le siècle de Louis XIV, on s'est contenté de 1400. Ainsi vous aurez Rome sauvée absolument pour rien. C'est sur quoi nous attendons votre réponse. Si vous avez l'histoire chronologique de l'abbé Lenglet du Frenoi, en deux tomes, vous me ferez plaisir de me l'envoier sans délais. J'en ai un besoin pressant.

Je suis entièrement à vous mon cher Walther et vous embrasse de tout mon coeur.

Voltaire