Potsdam 22 aoust [1752]
J'ai appris, mon cher Walther, que les anglais avaient fait une édition magnifique in quartò du siècle de Louis XIV sur l'édition de Berlin.
On en a fait aussi trois en France. Les libraires se sont trop pressés, ils devaient au moins me consulter, mais c'est ce qu'ils ne font jamais. Il est important que vous fassiez mettre dans les gazettes d'Utrecht et d'Amsterdam l'avertissement que je vous ai envoié. L'attente de votre nouvelle édition, et surtout des morceaux écrits de la main de Louis XIV même, spécifiés dans cet avertissement, ne servira pas peu à faire tomber toutes ces éditions prématurées.
Les fautes dont fourmille malheureusement l'édition en sept volumes, viennent uniquement de ce qu'on ne m'a pas envoié les feuilles à corriger. Car lorsque dans votre nouvelle édition du siécle de Louis XIV on manque à me renvoier une seconde fois les feuilles dans lesquelles j'ai fait quelque changement, et qu'on les tire sans avoir pris cette précaution que j'avais recommandée, j'y trouve des fautes considérables.
Je croi que vous feriez très bien de joindre à votre avertissement dans les gazettes que la tragédie de Rome sauvée qu'on débite sous mon nom, n'est point mon ouvrage, mais une piéce informe transcrite avec infidélité aux représentations et remplie de vers qui ne sont point de moi, que la partie de l'histoire universelle que l'on a aussi imprimée en Allemagne sous mon nom, n'est pas mon véritable ouvrage, et qu'il n'y a que vous qui soiez en possession des manuscrits.Vous pouvez d'autant plus l'assurer que je vous les enverrai si tôt que je les aurai mis en ordre. On ne peut malheureusement prendre d'autres précautions pour arréter la frénésie qu'on a de m'imprimer malgré moi dans l'Europe. Je vous conseille surtout de dépêcher l'édition du siècle; car je crains toujours que ceux à qui j'ai été obligé d'envoier toutes les additions à Paris pour les consulter, ne les prêtent à trop de monde, et qu'elles ne parviennent à la fin entre les mains de quelque libraire. Je sai qu'ils sont tous très alertes sur cet ouvrage, et vous pouvez compter qu'en moins de deux ans il y en aura en Europe plus de dix éditions. Adieu mon cher Walther, je ferai toujours tout ce qui sera en moi pour vous obliger.