1752-11-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Votre lettre madame est au dessus de celles de me de Maintenon, comme votre caractère au dessus du sien.
Elle disait que pour réussir à la cour il faut un esprit naturel et un cœur faux. Ce dernier talent dieu merci vous manquera toujours.

Comment pouvez vous imaginer que je ne vous ai pas envoyé la sottise tragique en question? esce que j'en fais sans les mettre à vos pieds? Si vous ne l'avez pas reçue par la poste, je vous demande en grâce de m'en instruire.

Je vous remercie de l'avis. Je vous jure que j'ignore entièrement ce dont le billet fait mention. Vous pouvez assurer hardiment que c'est une imposture. Il y en a bien d'autres. Je n'ay jamais rien vu de si ridicule que ce que je vois aujourd'huy, et je m'en moque. Il n'y a qu'à rire.

Laissez là Librekins. Je vivray et mourrai bien sans luy. Je ne viendray qu'avec le Roy. J'ay à vous parler baucoup plus que vous ne pensez, et je vous suis attaché baucoup plus que je ne vous le dis. Le diable est au champs. Deux marchands vous ont fait banqueroute, mais croyez moy, une femme de votre rang et de votre esprit n'en sera pas mauvaise marchande.

Je vous suplie de vouloir bien me mander quand le prince Louis de Virtemberg compte partir. Cela m'est essentiel pour un paquet très essentiel. Adieu madame, vous êtes adorable, et je vous adore.