A Postdam, 24 novembre 1752
C'est ce que disait, je crois, autrefois le saint évêque Saint Gelais, en rencontrant son ancienne maitresse; et j'en ai dit davantage en retrouvant vos anciennes bontés. Croyez, monseigneur, que vous n'êtes jamais sorti de mon cœur; mais je craignais que vous ne vous souciassiez guère d'y régner, et que vous ne fussiez comme les grands souverains qui ne connaissent pas toutes leurs terres. Votre très aimable lettre m'a donné bien des désirs, mais elle n'a pu encore me donner des forces. Je vous r …… tout net en vous aimant, parce que l'esprit est prompt et la chair infirme chez moi. Je suis si malingre que, voulant partir sur le champ, je suis obligé de remettre mon voyage au printemps. Je ne suis pas comme le président Hénault, qui disait qu'il était quelquefois fort aise de manquer son rendez-vous. Soyez sûr que j'ai une vraie passion de venir être témoin de votre gloire et du bien que vous faites.
J'ai bien peur que l'intérêt qui, devait animer ce que j'ai eu l'honneur de vous envoyer, ne soit étouffé sous trop de détails. Cela me fait penser qu'il ne faut pas ennuyer, par une longue lettre inutile, un homme qui en reçoit tous les jours une centaine de nécessaires, qui quelquefois aussi sont ennuyeuses.
Conservez, je vous en prie, votre bienveillance au plus ancien, au plus respectueux, au plus tendre de vos serviteurs.
V.
En voulant fermer cette lettre j'ai coupé le papier; vous me le pardonnez.