à Potsdam ce 7 8bre [1752]
Ce n'est point ma paresse, Monsieur, mais ma mauvaise santé qui a retardé ma résponse, et qui m'empêche même de vous écrire de ma main.
Je croi que j'aurais grand besoin d'aller faire un tour aux eaux de Plombiere dans votre voisinage. Le désir de faire encor ma cour au Roi de Pologne et de vous revoir sera mon principal motif. Je voudrais bien en attendant pouvoir faire ce que vous me demandez pour votre ami; mais les places sont ici bien rares. Il est vrai qu'il y a un petit nombre d'élus, mais il n'y a aussi qu'un petit nombre d'appelés. Ma mauvaise santé ne me permet guères d'être à portée de chercher ailleurs. Il y a huit mois entiers que je ne suis sorti de ma chambre que pour aller dans celle du Roy. Je suis son malade, comme Scaron était celui de la Reine.
Je vous remercie avec bien de la sensibilité des offres obligeantes que vous me faites au sujet du manuscript que j'ai perdu. La copie qui est entre les mains du valet de chambre de Mgr. le Prince Charles de Lorraine n'est point ce que je cherche. Il n'a et ne peut avoir que la partie du manuscript qui est entre les mains de plus de trente personnes. L'histoire universelle depuis Charlemagne jusqu'à Charles Quint a été copiée plusieurs fois; mais ce qui m'a été volé, ce sont des matériaux pour l'histoire des tems suivans jusqu'au siècle de Louis XIV. Je regrette surtout ce que j'avais rassemblé sur le progrès des arts et des sciences dans différens païs, et les traductions en vers que j'avais faites de plusieurs Poètes Italiens, Espagnols et Orientaux. Le manuscript m'a été volé à Paris. C'est une perte que je ne puis réparer et dont il faut que je me console. Il arrive de plus grands malheurs dans la vie. Adieu mon cher et ancien ami. Je vous embrasse du meilleur de mon âme.
Volt.