1768-04-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Le malheureux Sirven, mon cher ami, veut s'établir dans mon voisinage.
Il va lever une boutique qui sera tenue par ses filles; nous rassemblons tous ses petits fonds. Il vous prie de lui envoyer une lettre de change à quinze jours de vue sur Lyon en son nom. Vous connaissez assez le nom de Pierre Paul Sirven, vous lui avez rendu d'assez grands services. Vous n'avez qu'à m'envoyer la lettre de change de l'argent que vous avez bien voulu lui garder.

De toutes mes souffrances, mon cher ami, celles que la calomnie me fait essuyer sont les plus cruelles et les plus dangereuses, mais ces calomnies sont si peu vraisemblables qu'il faudra bien à la fin qu'elles s'anéantissent. Il est impossible qu'un homme occupé comme je le suis depuis deux ans de rassembler tous les matériaux qui peuvent faire honneur à sa patrie, abandonne un si important ouvrage pour écrire toutes les fadaises que vingt auteurs faméliques ne composeraient pas en trois ans. Si ces impostures atroces parviennent jusqu'au gouvernement, je me flatte qu'il me rendra justice; j'ose même tout attendre des bontés et du discernement du roi.

Je ne sais aucune nouvelle de littérature. Les mauvais livres qui nous inondent m'ont un peu dégoûté des nouveautés; j'aime mieux relire Ciceron et Horace. Bonsoir, mon cher et vertueux ami.