1752-08-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

J'ay donné madame vos harangs au roy.
Il me semble qu'on en mange volontiers à sa table. Je vous remercie de m'avoir envoyé mon image et ressemblance. Mais je ne suis pas un harang frais. Voicy votre dernier cayer. Il en faudrait un plus gros pour dire tout ce que mon estime, pour l'esprit et le travail de l'auteur, m'inspire, et pour détailler mes doutes; mais mon plus grand doute sera sur la manière dont il faudra s'y prendre pour tirer avantage de L'édition. Il me parait qu'il n'y a guères que la nation anglaise capable de faire goûter à L'auteur le fruit d'un travail si aprofondi, et d'une philosofie de calcul adaptée à la politique et à la morale. Les libraires de Hollande et d'Allemagne qui sont d'autres calculateurs, ne feraient pas à l'auteur un party digne de luy. Ce n'est qu'à Londres qu'il peut le trouver. Je vous avais supliée de faire parvenir un petit compliment à mr de Bernstof par M. le comte de Linar en cas que cela fût praticable. Je suis toujours bien malade madame mais je n'en suis pas moins sensible à vos bontez et mon attachement pour vous est aussi vif, que mon corps est languissant.

V.