A Potsdam, 29 avril 1752
Du moins c'est ce que dit l'Arioste, l'un des meilleurs théologiens que nous ayons. Est ce qu'il y avait pays au lieu de pourpris dans ma lettre? Eh bien! il n'y a pas grand mal. Le conseiller aulique Francheville, mon éditeur, en a fait bien d'autres, & moi aussi; mais, mon cher cosmopolite, ne me croyez pas assez ignare pour ne pas savoir où est Cartagene; j'y envoie tous les ans plus d'un vaisseau, ou du moins je suis au nombre de ceux qui y en envoient, & je vous jure qu'il vaut mieux avoir ses facteurs dans ce pays là que d'y aller. Mais quoique m. de Pontis eût pris Cartagene en deçà de la ligne, cela n'empêche pas que nous n'ayons été fort souvent nous égorger au delà.
Je vous suis sensiblement obligé de vos remarques; mais il y a bien plus de fautes que vous n'en avez observé. J'ai bien fait des péchés d'omission & de commission. Voilà pourquoi je voudrais que la première édition, qui n'est qu'un essai très informe, n'entrât point en France. Jugez dans quelles erreurs sont tombés les Lamartiniere, les Réboulet& les tuti-quanti, puisque moi, presque témoin oculaire, je me suis trompé si souvent. Ce n'est pas au moins sur le maréchal de la Feuillade. Je tiens l'anecdote de lui même; mais je ne devais pas en parler. La seconde édition vaudra mieux & surtout le catalogue des écrivains, qui, beaucoup plus complet & beaucoup plus approfondi, pourra vous amuser. Je l'avais dicté pour grossir le second tome, qui était trop mince; mais je le compose à présent pour le rendre utile.
Puisque vous avez commencé, mon cher la Condamine, à me faire des observations, vous voilà engagé d'honneur à continuer. Avertissez moi de tout, je vous en supplie; je sais fort bien qu'il n'y a point d'esclaves à la place Vendôme, & je ne sais comment on y en trouve dans l'édition de mon conseiller aulique. Il y a plus d'une bévue pareille. Je vous dirai, & ignorantias meas ne memineris. Votre livre, qui vous doit faire beaucoup d'honneur, n'a pas besoin de pareils secours. Je souhaitte que vous en tiriez autant d'avantage que de gloire; je ne suis pas surpris de ce que vous me dites, & je ne suis surpris de rien. Soyez le si je ne conserve pas toujours pour vous la plus parfaite estime & la plus tendre amitié.