1752-01-05, de Charles Marie de La Condamine à Voltaire [François Marie Arouet].
Tandis que ta rapide plume
Comprend Louis le grand dans un petit volume,
Mon triste voyage à Quito,
Chez moi devient un in-quarto,
Un fils de saint Benoît, j'en jure,
En eût fait un in-folio;
Voltaire, inspiré par Clio,
A peine une mince brochure:
Encor de mon heureux destin
Je pourrais au ciel rendre grâce,
Si jugeant l'auteur pour la masse
Du livre qui sort de sa main,
On réglait son rang & sa place;
J'aurais alors sur le Parnasse
Mon logis à moitié chemin
De Voltaire au bénédictin.

En vous envoyant mon voyage, monsieur, je me garderai bien de vous prier d'entreprendre la lecture de ma relation, moins encore celle des pièces justificatives. Je sens trop combien vous y perdriez de temps; & si je croyais que vous pussiez en être tenté, je vous dirais:

De jours si bien remplis les moments sont trop courts;
Ne me lisez jamais; mais écrivez toujours.
C'est à Voltaire seul d'écrire,
A nous de lire & de relire
Jour et nuit sa prose & ses vers.
Tous les moments où repose sa lyre
Sont dûs à Frédéric, le reste à l'univers.

…le plus zélé de vos admirateurs

La Condamine