7 juillet 1738
Vous avez sans m'en avertir donné au public l'édition des élémens de Neuton assez informe et dont plusieurs choses ne sont point de moy; vous auriez dû me laisser le temps de corriger cet ouvrage et de me conformer aux sages remarques qu'a daigné faire Monsieur le chancelier qui seul a eu mon manuscript entre les mains.
L'unique moyen de réparer votre faute est de corriger promptement toutes les bévues de votre édition. Je vous les ay marquées et vous devez y être très attentifs, si vous entendez vos intérests. C'est à vous à consulter sur cela le savant matématicien qui vous a procuré le chapitre sur la lumière zodiacale.
Au reste si vous faites comme vous le dites une nouvelle édition de mes ouvrages, je vous déclare que vous trahirez également votre intérest et la probité, si vous y insérez selon la coutume des libraires de Hollande aucune pièce impie et licentieuse. Je n'en ay jamais fait, et je ne crois pas que la Henriade qui a déjà été imprimée plus de vingt fois, ait besoin de ces infâmes acompagnements pour se faire vendre.
Vous aurez peut être imprimé de petites pièces telles que le mondain d'après les journaux hollandois, mais je vous déclare que les vers sur Adam,
ne sont point de moy. Ces sottises sont de quelques jeunes gens qui ont voulu égaier l'ouvrage et si vous imprimez ces vers sous mon nom je vous regarderay comme des faussaires. Je ne suis point non plus, l'auteur des lettres philosophiques telles qu'elles ont été débitées, elles sont pleines d'impertinences dont le moindre grimaut seroit incapable.
On y dit que le père Mallebranche a soutenu les idées innées de Descartes, quoi que le père Mallebranche les ait très fortement Combatues. On y parle d'un catalogue de sept mille étoiles. Jamais pareil catalogue n'a été fait et celuy de Flamstead qui est le plus ample ne va pas à plus de 2870 dont on conoit la position.
Enfin il y a des traits qui sont très peu convenables à un homme qui a du respect pour la relligion et pour les loix. Le libraire punissable qui le premier imprima ces lettres crut y donner cours par ces hardiesses, mais moi je vous déclare que je n'y ay aucune part et que si vous imprimez sous mon nom quelque chose que ce puisse être avec le titre de lettres philosophiques, je seray en droit de me plaindre, même à vos magistrats, car il n'est permis nulle part d'imputer à un homme ce qu'il désavoue et à fin que vous ne doutiez pas de mes sentimens, je vous envoye deux duplicata de cette lettre dont j'enveray une copie signée de moy à la chancelerie et à plusieurs personnes en place.
Voltaire