1752-04-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

En vous remerciant mon cher et ancien amy.
L'annonce de ce libraire de Hollande est l'affiche d'un charlatan. Tous les libraires de l'Europe se disputent l'impression de ce siècle. Pour comble d'embarras, on s'empresse de le traduire avant que je l'aye corrigé. Je laisse faire, et je m'occupe jour et nuit à préparer une édition plus ample et plus correcte. Une première édition n'est jamais qu'un essay. Ny le siècle ny Rome sauvée ne sont ce qu'ils seront. Je demande seulement de la santé au ciel comme Ajax demandait du jour. Mais je suis plus inquiet de la santé de ma nièce que de la mienne. Je suis acoutumé à mes maux, et je ne peux m'acoutumer aux siens. Il est très sûr que je feray un voiage pour elle et pour mes amis. J'ai deux âmes, l'une est à Paris, l'autre auprès du Roy de Prusse. Mais aussi je n'ay point de corps. Je vous embrasse, je vous remercie, je retourne vite à Louis 14. Je veux me dépêcher pour vous retrouver et vous embrasser à Paris.

V.