jeudi [March/April 1749] à 4 heures après minuit
Ie joue vn singulier rôle, il faut que i'aye bien de la vertu, l'enuie d'être digne de vous, et dumoins de me faire regreter si v͞s ne pouués plus m'aimer me soutient.
On quitte le vicomte p͞r v͞s enleuer à moi, ie ne puis plus en doutter que par l'excès de la folie auec laquelle ie v͞s aime. Le vicomte veut partir et c'est moi qui l'en empêche peur de perdre quelqu'un qui m'a arraché le bonheur de ma vie et qui a emploié tant d'art, de noirceur et de manège p͞r v͞s détacher de moi et qui y est enfin paruenu. Les lettres et les explications pasent par moi, ie puis tout esclaircir d'un mot et ie me le refuse, et ie m'opose auec vn courage inébranlable au départ du vicomte qui seul pouroit me tranquiliser. Ie pase ma vie à pleurer votre infidélité et à cacher mes larmes à qui pouroit me vanger. Enfin que ne fais je point? P͞r m'en récompenser v͞s me faite mourir de douleur, moi et ce qui doit v͞s être cher, v͞s pouués tout finir d'un mot et v͞s me le refusés. Ce mot est que v͞s m'aimés, mais si v͞s ne m'aimés plus ne me le dites jamais. Aureste ne croiés pas que i'aye adressé vne seule lettre au che͞r ni eü la moindre relation auec lui. Tout a passé par le prince. Ie respecte vos folies les plus outrageantes, ie veux tout faire p͞r regagner votre coeur et ie mourerai si ie l'ai perdu. Si v͞s m'enuoiés votre portrait tout seroit réparé, i'ay pensé escrire à Girardet mille fois p͞r le demander.