1747-06-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à [unknown].

Tout malade que je suis Monsieur, j'allay hier à Versailles retirer les papiers des mains d'une personne quise chargeoit du succez de L'affaire; je ne luy avois remis ces papiers qu'afin de L'autoriser à agir, et en effet on agissoit puissament et dans le plus profond secret.
Vous savez même qu'on avoit déjà parlé d'accorder douze mille livres, et que L'on se proposoit de faire baucoup plus à la paix que nous espérons. Ce n'est assurément ny par moy, ny par les personnes que j'ay fait agir que cette affaire a transpiré. Il eût été à souhaiter que le secret de la compagnie eût été mieux gardé mais heureusement nos démarches qui devoient être secrettes ont été aprouvées par le petit nombre de personnes qui en ont entendu parler. On a trouvé L'idée de notre travail très utile, et la récompense qui doit y être attachée très juste. Nous n'avons essuié aucune des mauvaises plaisanteries que L'on craignoit. Les personnes qui devoient s'employer en notre faveur n'ont point rallenti leurs bonnes intentions. On a été seulement surpris de mon empressement à redemander les papiers, on a cru que nous renoncions au projet dont le succez étoit déjà si avancé. J'ay représenté que ces papiers étoient désormais inutiles, puisque l'affaire étoit entamée, et que ceux qui s'en chargeoient étoient sûrs par L'inspection des signatures de n'être pas désavouez, des services qu'ils vouloient vous rendre. Enfin on m'a remis monsieur les papiers que j'ay l'honneur de vous renvoyer. Je vous répète que L'affaire est au point de réussir quand on voudra prendre des mesures promptes dans un temps favorable, et que ce temps n'est pas éloigné. Je ne feray d'ailleurs aucune démarche sans Les ordres de la compagnie. Je pense encor que ces minutes étant toutes en mauvais état, et ne servant désormais à rien, il seroit aussi bon de les brûler que de les garder, puisque désormais on n'a plus besoin d'aucune signature. Les vues de L'académie étant assez connues de ceux qui peuvent les seconder.

Je serois venu vous porter ces papiers et dire à l'académie ce que j'ay l'honneur de vous écrire si je n'étois pas au lit accablé d'une fièvre qui m'empêche même de vous écrire de ma main, et de vous assurer, vous et tous vos confrères, des sentiments d'attachement avec les quels j'ay l'honneur d'être,

Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire