1746-12-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à M. — Moreau.

Monsieur,

J'ay l'honneur de vous envoyer un petit résumé d'un procez malheureux mais nécessaire, et dont l'objet se trouve joint à l'utilité publique. Nous demandons, mr l'abbé d'Olivet et moy, que Le mémoire calomnieux de maître Rigoley soit lacéré.

Quant à la personne de Rigoley, Mr l'archevêque de Tours et messieurs les agents du clergé s'en raportent à vous monsieur sur la satisfaction personnelle qu'il me doit et ils ont promis de le chasser de son bureau s'il n'obéit pas aux ordres que vous voudrez bien luy donner. Je vous suplie donc monsieur d'avoir la bonté de luy faire dire de venir vous parler. Je me rendray chez vous à l'heure que vous aurez prescritte. J'aporteray les preuves par écrit qui démontrent touttes ses calomnies. Il n'aura point de moy d'autres reproches, et j'ose me flatter qu'il sera confondu et peutêtre si touché qu'il préviendra luy même la plus ample satisfaction que votre équité exigeroit. C'est une affaire indépendante du procez et de la lacération du mémoire sur la quelle j'insiste et qui paroît une suitte naturelle de la condamnation des libelles diffamatoires. Ce n'est icy qu'un jugement de conciliation, un procédé d'honneur dont vous êtes le juge naturel. J'attends vos ordres monsieur, je viendray m'informer chez vous du jour et de l'heure que vous aurez donnée à Rigoley et à moy. Il demeure rue Vivienne chez Mr de St Julien, Receveur général du clergé.

J'ay l'honneur d'être avec la plus respectueuse reconnaissance

Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire