1746-07-05, de Louis Antoine Travenol à Pierre Joseph Thoulier d'Olivet.

Monsieur,

La part que vous prenez avec tant de générosité à l'affaire que j'ai à la police, pour la terminer et étoufer, un éclat scandaleux, m'engage à vous dire que je persiste dans la déclaration que mon père a eu l'honneur de vous présenter et que j'ai écrite au ministre.
Mr de Voltaire objecte à l'occasion des pièces de proses et de vers dont la dernière est imprimée et publiée il i a dix ans, et la première imprimée en 1743 lorsqu'il fut question de l'admettre à l'académie, qu'il y a dans la nouvelle édition, des changements. J'en conviens, mais cela ne prouve pas que j'aye rien avancé de faux dans mon mémoire. Je ne dit point tenir cette seconde édition de l'abbé Desfontaines. Je déclare seulement que c'est lui qui m'a donné ces deux pièces avec baucoup d'autres imprimées contre mr de Voltaire, et j'ai crû devoir taire le reste. Comme il me paroist, monsieur, que l'on ne veut rien ignorer à ce sujet, voicy en abrégé par quel hazard la seconde édition a eu lieu et m'est tombé en partie entre les mains. Deux ou trois colporteurs qui sans décliner leur nom ni leur demeure, venoient chez moi de tems en tems m'aporter quelques brochures nouvelles, m'envoyèrent un homme pour acheter des ouvrages de musique de ma composition. Il vit sur mon bureau un exemplaire de l'ancienne édition des deux pièces dont il s'agit. Il me les demanda pour les faire réimprimer, me promit un certain nombre d'exemplaires. Comme je ne risquois rien, j'aquiesçai à sa proposition sans le connaître. Quelques jours après il m'envoya les exemplaires promis, dont je me suis défait en faveur d'un colporteur qui me fut adressé depuis. Je me flatte, monsieur, que la sincérité de mon exposé et tout ce que ma famille et moy souffrons depuis longtemps, touchera monsieur de Voltaire et l'engagera à tenir la parole qu'il a donnée à mon père.

J'ai l'honneur d'être etc.

Travenol