1764-04-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Caro cela est désespérant, Mr Damilaville jure toujours que vous vous seriez défait de tous vos exemplaires, si vous n'aviez pas pris la malheureuse précaution d'un aquit des bureaux.
Il est bien certain qu'on a voulu écraser la littérature quand on l'a mise entre les mains d'un lieutenant criminel de police. Vadé n'entrera point à moins que vous n'ayez pris des mesures avec M. de Sartine ou plutôt avec Marin, ou que vous puissiez vous passer de l'un et de l'autre.

Je tremble pour l'enciclopédie, soyez sûr qu'on l'arrêtera dès qu'elle sera imprimée. Les belles lettres sont au tombeau, les Français ne seront plus que des welches. Ils auront la Duchap, l'opéra comique, et des arrêts du parlement. C'est assez pour eux. Candide et Martin avaient bien raison de ne se pas soucier d'aller à Paris.

Ne vous pressez point pour le complément de mr Dupuis. Il faudra une somme de 12000lt pour Pierre Corneille le père que M. de Beaumont, pourra envoyer à mr Delaleu, notaire à Paris. Le petit reste à votre commodité pour nos enfans.

Je vous embrasse et je gémis avec vous.