7 avril 1764
Ayant découvert que l'exemplaire de la Tolérance, contrefait, qui vous a été remis par m. Cromelin, avait été vendu à m. Duprez par Redon, garçon relieur et colporteur, je l'ai fait venir, et après avoir pris mes mesures pour le convaincre, je l'ai accompagné chez le commissaire de Rochebrune, où il a déclaré que plusieurs de ses pratiques lui ayant demandé du livre de la Tolérance, il en avait parlé à Personne, colporteur, qui lui en avait remis quelques jours après 4 exemplaires brochés, sur le pied de 4 liv. 10 sols; qu'il en avait vendu un exemplaire 7 liv. 10 sols à m. le marquis de Boisset, rue Sainte-Anne; un autre 9 à Dupré, rue des Marais, à qui il avait aussi remis les 2 autres, qui ne lui étaient pas encore payés.
D'après vos ordres, je l'ai laissé aller, et je me suis transporté tout de suite chez Personne, que j'ai fait convenir de sa faute et que j'ai engagé de me remettre tous ses papiers, dans l'examen desquels j'ai trouvé sa correspondance avec P. Machuel, libraire à Rouen, et avec Besongne fils, après quoi j'ai accompagné Personne chez le commissaire Rochebrune, à qui il a déposé les lettres en question, après les avoir paraphées, et a déclaré que P. Machuel, libraire à Rouen, rue Ganterie, lui avait envoyé, il y a environ quinze jours, en 2 différentes fois, par Bordet, commissionnaire des courriers de la poste de Rouen, demeurant rue des Fossés-Saint-Germain, à l'hôtel de Lizieux, 46 exemplaires du livre de la Tolérance, édition contrefaite sur celle de Genève, qu'il avait vendus, savoir: 21 à Devaux, gazetier, rue Croix-des-Petits-Champs, 12 à La Rue, colporteur, 4 à Redon, colporteur, 1 à m. le duc de Charost, 1 à Duby, son secrétaire, et un autre qu'il ne se rappelle point.
Personne a marqué dans cette occasion une bonne foi complète, et, conséquence de vos ordres, je l'ai laissé en liberté; je joins ici les 2 liasses de lettres de Machuel et de Personne, dans lesquelles vous verrez la preuve que ce dernier a imprimé le secret des finances.